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L’open badge : gadget ou révolution pour la valorisation des compétences ?

Depuis leur arrivée en France en 2017, les open badges se développent de plus en plus. Pour autant, ses usages restent encore largement méconnus dans les entreprises aussi bien de la direction que des salariés. Outil innovant au fort potentiel pour certains, source d’interrogations pour d’autres : et si nous faisions le point sur ce dispositif ?

Qu’est-ce qu’un open badge ?

Un open badge – ou badge numérique ouvert – est une image numérique dans laquelle sont enregistrées des informations (métadonnées), dont les principales sont l’identité de l’émetteur et du bénéficiaire du badge, les critères d’attribution et les preuves justifiant son attribution. Il est doté de multiples caractéristiques :

Gratuit : il repose sur un standard ouvert. Pour les créer et les délivrer, il existe des plateformes telles que « Open Badge Factory » ou « Badgr ».

Vérifiable, infalsifiable et sécurisé (compatible RGPD) : en tant que déclaration numérique, il est certifié numériquement.

Partageable, transférable et stockable : il peut être partagé sur un CV numérique, un blog ou un réseau social et stocké dans un sac à badges. Une interface telle que « Open Badge Passport » permet de les recevoir, de les afficher et de les partager.

Délivrable partout le monde : organismes de formation, associations, entreprises, collectivités, etc.

Encore peu connu des actifs (salariés et demandeurs d’emploi) et des entreprises, l’open badge existe pourtant depuis une dizaine d’années. Créé en 2011 par les fondations Mozilla et McArthur, il est expérimenté en France depuis 2017 par différents collectifs et fait peu à peu son chemin dans le champ de l’insertion, de l’orientation et de la formation professionnelle.

À quels besoins l’open badge répond-il ?

Comment révéler tous les atouts des individus ou comment prendre en compte l’évolution rapide des compétences et le besoin en compétences spécifiques, à l’heure où :

  • de nombreuses entreprises sont confrontées à des difficultés de recrutement et de fidélisation des salariés ;
  • de nombreux secteurs d’activités font face à une pénurie de main-d’œuvre ;
  • les soft skills sont de plus en plus recherchés par les recruteurs ;
  • les candidats peinent à se démarquer dans leurs recherches d’emploi, de stage ou de formation ;
  • et où les métiers ainsi que les besoins en compétences évoluent rapidement ?

En France, la valorisation des compétences se fonde encore essentiellement sur les référentiels de compétences et sur une reconnaissance résultant de l’obtention de certifications enregistrées dans les répertoires de France Compétences. Aussi les offres d’emploi des recruteurs et les CV des candidats font-ils toujours la part belle aux formations suivies et aux diplômes obtenus. Pourtant, de nombreux apprentissages sont réalisés en dehors des parcours de formation et d’emploi conventionnels : ce sont les apprentissages informels et non-formels développés au travail, dans la vie quotidienne, les loisirs ou les engagements citoyens.

Le modèle d’apprentissage 70:20:10 est un exemple illustrant leur poids. Théorisé dans les années en 1996 par des chercheurs américains, il démontre l’importance de l’apprentissage informel dans le parcours d’un individu et a été popularisé ces dernières années en France dans le domaine de la formation en entreprise. D’après ce modèle, ce que nous apprenons par la voie formelle ne représente qu’une petite partie de nos apprentissages :

70 % de nos connaissances et savoir-faire seraient issus de l’expérience et de la pratique

20 % de nos connaissances proviendraient de nos interactions sociales et professionnelles et personnelles

10 % de nos connaissances et savoir-faire proviendraient de la formation traditionnelle (formation initiale, formation professionnelle)

Si ce modèle souligne l’idée que les compétences s’acquièrent principalement de façon informelle, il ne doit pour autant pas être pris au pied de la lettre : ces chiffres tendent à créer une opposition simpliste entre apprentissage expérientiel et apprentissage, alors même que les trois composantes sont importantes et complémentaires. Ce qu’il faut retenir, c’est l’intérêt croissant suscité par la reconnaissance des apprentissages informels et les moyens de la rendre effective.

Les open badges vont-ils remplacer le système de certification officiel ?

L’open badge est un moyen de révéler les atouts, présents mais non reconnus, des individus. Sa finalité première est de rendre visible, de valoriser et de reconnaître différents types de savoirs. Il peut s’agir d’une compétence, d’un savoir-faire, d’un savoir-être, d’une réalisation, d’un engagement ou encore d’une contribution. D’où la grande variété de types de badges existants : des badges de réussite, de capacité, de participation, de collaboration, etc. Les badges confirment ainsi l’acquisition de compétences développées dans différents contextes et qui ne sont pas directement reconnus par une certification officielle.

Dans un environnement où les savoirs et les savoir-faire évoluent rapidement, l’open badge permet une réactivité, une souplesse et, de fait, une adaptation avec les besoins du marché que n’offre pas une démarche de certification RNCP / RS. Pour autant, il n’a pas vocation à remplacer le système de certification officiel, ni à se substituer aux diplômes. Bien au contraire, il constitue un outil complémentaire et un moyen d’insuffler un nouveau schéma de reconnaissance.

Il n’y a donc pas de concurrence entre les deux dispositifs et le soutien des pouvoirs publics abonde dans ce sens : différents dispositifs financent des projets les intégrant, à l’instar du Plan d’Investissement dans les Compétences (PIC) et du Programme d’Investissements d’Avenir (PIA).

Quel est l’intérêt du badge ?

Les intérêts sont multiples, tant pour les entreprises que pour les salariés.

Pour les entreprises

Le badge constitue tout d’abord un levier de recrutement contribuant à répondre aux difficultés rencontrées sur le marché du travail. S’agissant d’une modalité ou d’un critère de sélection supplémentaire, il offre au recruteur la possibilité d’explorer autrement le profil d’un candidat et de repérer les compétences clés recherchées (notamment les soft skills). Celles reconnues par des badges donnent accès à des preuves, là où leur présentation ne repose que sur du déclaratif dans un CV classique.

Le badge constitue également un levier de fidélisation pouvant être mis en place dès la phase d’intégration des nouveaux collaborateurs, puis tout au long de leur parcours au sein de l’entreprise. Dans cette perspective, cet objet numérique valorise les compétences des salariés et peut être source de motivation. Un tel dispositif encourage ainsi l’acquisition de nouvelles compétences et contribue à maintenir l’employabilité des salariés.

Ensuite, le badge est un outil au service d’une démarche de gestion prévisionnelle des compétences (GPEC), dont certaines sont invisibles pour l’organisation. Utilisé pour les cartographier et les mesurer, le badge permet d’avoir une connaissance précise des compétences présentes au sein de l’entreprise. Ainsi, il est plus facile de personnaliser l’offre de formation et de mettre en œuvre un parcours répondant aux besoins des salariés et de l’employeur. Plus souple dans sa création et sa mise en place qu’une certification par la voie officielle, l’open badge répond de manière plus adaptée à l’émergence rapide de nouveaux métiers, de nouvelles compétences et de compétences rares ou en tension.

Enfin, le déploiement d’une démarche d’open badges constitue un levier de communication permettant notamment de développer la marque employeur de l’entreprise.

Pour les
salariés

En tant qu’outil de communication, l’intérêt le plus évident réside sans nul doute dans la valorisation de leur profil professionnel sur les réseaux sociaux, mais aussi et surtout au moment du recrutement. Le badge matérialisant l’acquisition de compétences par des preuves, crédibilise le bénéficiaire et l’aide à se démarquer lors d’un entretien d’embauche. L’acquisition de badges peut en effet susciter la curiosité du recruteur et favoriser les échanges.

Les badges constituent ainsi un outil complémentaire au CV traditionnel favorisant l’employabilité et facilitant les transitions professionnelles. Que ce soit dans une formation ou un emploi, leur acquisition encourage non seulement la motivation et l’engagement du bénéficiaire, mais elle a aussi pour effet de renforcer la confiance en soi par la prise de conscience de ses compétences et l’adoption d’une démarche réflexive.

Quelle est la valeur d’un badge ?

Qualifiés d’« infantilisants », de « gadgets » ou encore de « bons points » par ses détracteurs, les open badges amènent leur lot de questions : quelle est leur légitimité face aux formes traditionnelles de reconnaissance ? Quelle valeur ont-ils pour le bénéficiaire et pour les acteurs du monde de l’emploi et de la formation, si l’on considère que leur diffusion et leur connaissance sont encore limitées ? Quelle est leur crédibilité auprès de ces mêmes acteurs face à un objet pouvant être délivré et endossé (approuvé) par tout le monde ?

Un badge n’a a priori aucune valeur et sa simple existence au sein d’une entreprise ne suffit pas à motiver les salariés. Sa valeur réside dans la signification qu’il a dans un écosystème donné, un réseau, une communauté. Ce qui lui octroie de la valeur, c’est son utilisation par le plus grand nombre de personnes au sein de cet écosystème de reconnaissance. C’est aussi la qualité de l’émetteur du badge (notoriété, légitimité) ou encore la reconnaissance du badge par d’autres organisations ou individus.

Un open badge peut devenir une simple récompense ou un gadget et ainsi n’avoir aucune valeur, si le projet est mal conçu ou si la phase réflexive autour de la création d’un écosystème de badges est sous-estimée. Cette réflexion doit notamment permettre de définir les objectifs et les besoins, le public visé, la plus-value pour le bénéficiaire, l’environnement, la méthodologie et les modalités de mise en œuvre des badges (choix du processus et des critères d’attribution, pratiques d’endossement, etc.).

Le travail sur la crédibilité est un autre point essentiel pour donner de la valeur à un système d’open badge. Il existe plusieurs moyens de renforcer le message du badge : cela passe par l’association de preuves, par la pratique de l’endossement pour apporter la caution d’un tiers (légitime par son statut, sa formation, le réseau auquel il appartient, etc.) et par la définition de critères d’obtention (« méthodes « d’évaluation »» à utiliser pour l’attribution des badges).

Quelques exemples d’usages possibles en entreprise

  • Créer des badges pour fidéliser les nouveaux collaborateurs. Les différentes étapes d’un parcours d’intégration peuvent être jalonnées par l’obtention de badges pour favoriser l’intégration et la fidélisation d’un nouveau collaborateur. Cela contribue à développer son sentiment d’appartenance et à valoriser les compétences développées lors de la prise de poste, telles que l’adaptation à son nouvel environnement et à son poste de travail, l’appropriation des projets et de la culture d’entreprise, etc.

  • Créer des badges pour reconnaître des compétences spécifiques (techniques, soft skills, etc.). Les entreprises ont la possibilité de créer et d’attribuer leurs propres badges dans l’objectif de rendre visibles et de reconnaître les compétences spécifiques de leurs salariés. Il peut s’agir de compétences techniques (maîtrise de méthodes, d’outils ou de logiciels), mais aussi de soft skills (communication, esprit d’équipe, gestion du temps, la prise de décision, etc.). Tout au long de leur parcours professionnel au sein de l’organisation, les salariés peuvent ainsi obtenir des badges pour chaque compétence acquise, ce qui les valorise et favorise leur employabilité

  • Créer des badges pour reconnaître des compétences acquises dans un contexte spécifique. Les open badges peuvent être utilisés pour reconnaître les compétences acquises par les salariés lors d’un projet interne, d’une collaboration avec d’autres entreprises ou en assurant un rôle spécifique (référent, tuteur, parrain, etc.). Ils obtiennent ainsi des badges pour leur contribution à un projet réussi ou pour l’exercice d’une mission particulière : cela démontre et matérialise leur valeur ajoutée au sein de l’entreprise.

  • Créer des open badges pour développer une culture de la reconnaissance des compétences. Le déploiement d’un système d’open badges peut représenter une opportunité dans le développement d’une culture de la reconnaissance et de la valorisation des talents. À travers l’obtention de badges, les salariés se sentent valorisés et reconnus pour leurs compétences, améliorant ainsi leur engagement et leur satisfaction au travail. Les employeurs peuvent également s’appuyer sur ce système de reconnaissance pour promouvoir leur entreprise et attirer les candidats.

Vous souhaitez mesurer l’opportunité d’une telle démarche dans votre entreprise ? Ou vous aussi, vous voulez vous lancer ?

Article rédigé par Barbara.

RESSOURCES

• Exemples de sites de référence sur les open badges : « Openbadges.info », « Association Reconnaître » ; le collectif Badgeons la Normandie qui est pionnier dans leur expérimentation

•  Article « Le modèle 70/20/10… avant l’AFEST », Elearning Letter

• Article « La valeur des badges et la construction d’un écosystème de reconnaissance », Association Reconnaître

• Article « Les open badges : une solution souple et personnalisée pour la reconnaissance des compétences », CPFormation

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