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Transitions écologiques et énergétiques :
quels sont les impacts sur les compétences dans le secteur industriel ?

Les grandes transitions ont, depuis longtemps, marqué l’histoire de l’humanité : révolutions industrielles, la mondialisation, la transition numérique, etc. Aujourd’hui, la révolution est écologique : les transitions environnementales et énergétiques sont devenues incontournables et sont nécessaires afin de disposer d’un environnement durable et vivable pour notre société. De ce fait, un nouveau modèle économique et sociétal doit être pensé : nouvelles façons de produire, de travailler, de consommer et même, de vivre ensemble.

Au premier plan des secteurs professionnels qui doivent prendre le virage d'une transition écologique significative se trouve le secteur industriel. Responsable à lui seul de 20 % des émissions de gaz à effets de serre (GES) et de 20 % de la consommation énergétique, il a un rôle, une mission et une possibilité d'action majeurs. La preuve en est que depuis 1990, le secteur industriel est celui qui a le plus réduit ses émissions.

Par conséquent, ces secteurs ont besoin d’être accompagnés pour trouver des solutions organisationnelles, technologiques, économiques et notamment sur le plan des ressources humaines. En effet, la transition écologique et énergétique fait partie des mutations majeures, comme la révolution numérique, qui impacte les métiers d’aujourd’hui et de demain, les activités et les compétences.

Qu'est-ce que la transition écologique ?

La transition écologique vise à placer les grands enjeux environnementaux (changement climatique, rareté des ressources, perte de biodiversité, risques sanitaires environnementaux) au centre du modèle économique et social, dans lesquels les politiques, règlementations et dispositifs sont pensés dans une logique durable.

Elle implique pour les entreprises et notamment celles du secteur industriel une véritable adaptation de leurs process et leurs produits existants ou la nécessité d’en développer de nouveaux, induisant ainsi une évolution des emplois, des métiers et des compétences. Ces changements s’appuient sur des directives européennes (Paquet « Fit for 55 ») mais aussi mondiales (COP, Objectifs de développement durable…) visant à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 pour limiter les effets du changement climatique.

La transition écologique désigne pour les entreprises la période d’adaptation leur permettant de mettre en place ou de renforcer les innovations qu’impliquent ce nouveau modèle.

Au cœur des préoccupations : la baisse globale de la consommation d’énergie et le remplacement progressif des énergies fossiles par des énergies bas carbone.

L’un des leviers de mesure de l’impact écologique d’un secteur est la quantité de gaz à effets de serre (GES) et de CO2 émis.

On note que les transports intérieurs (routiers, particuliers, aériens, navigations et ferroviaires) constituent le principal secteur d’émission. Ensuite, l’agriculture et l’industrie représentent près de 20% des émissions de GES.

– 62% d’émission de GES et de production de CO2 pour les industries françaises depuis 1990.

Sur les 30 dernières années, le secteur industriel est celui qui a connu la plus grande avancée en matière de transition écologique, ceci notamment dû aux diverses mesures règlementaires (ex : réduction du N2O dans l’industrie), à la réduction des volumes de production et à la substitution des produits pétroliers par du gaz naturel.

La transition énergétique est également un volet majeur de la transition écologique dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Dans le secteur industriel, il existe 9 secteurs dits énergo intensifs (sidérurgie, chimie, papier, sucreries, verre, ciments…) représentant près de 60% de la consommation d’énergie. Les 40% autres sont représentés par différents secteurs comme les Industries agroalimentaires, les fonderies, les laiteries… On constate donc que les consommations énergétiques dans le secteur industriel sont très concentrées, ce qui en fait une cible prioritaire pour les acteurs qui œuvrent en faveur de la transition écologique et énergétique, comme l’ADEME.

Quels sont les facteurs d'évolution écologiques et énergétiques qui impactent les industries et leurs conséquences ?

Il existe de nombreux facteurs écologiques susceptibles d’impacter les stratégies de développement (ou de maintien pour certains secteurs en crise) du secteur industriel :

  • La raréfaction des ressources naturelles : la baisse des énergies fossiles, l’indisponibilité ou la difficile production de matières premières, le développement des énergies renouvelables, etc.
  • Le changement climatique : son accélération (catastrophes naturelles à répétition, réchauffement climatique, etc.) ou sa résorption contraignent les stratégies et moyens ;
  • La prise en compte des enjeux climatiques, énergétiques, environnementaux dans la société : un changement des modes de production (produire local, économie circulaire, proximité producteur-client, etc.) et de consommation (recyclage, développement des produits de seconde main, réparabilité des produits, etc.), des entreprises ESE (respect de l’environnement, politique salariale et QVT, éthique et déontologie écologique, etc.)
  • Le cadre règlementaire contraignant : au niveau mondial (COP), Européen et national (SNBC, France 2030…), les politiques publiques en matière de développement durable, d’alimentation saine et durable (Loi EgAlim 1 et 2), d’aides financières, de prix de l’énergie, etc.
  • Les émissions de GES, d’impacts et de préservation des sols et de la biodiversité, etc.

 

Au regard de ces éléments se pose plusieurs questions :

  • Comment réaliser et réussir une transition énergétique et/ou tendre vers la sobriété ?
  • Comment revoir les modèles de production, de commercialisation des produits et de consommation ?
  • Comment les activités et les métiers vont-ils être impactés ? Et quelles solutions y apporter, notamment ?

 

Dans une période forte en incertitudes et en changements structurels, la prospective semble être un bon levier pour s’interroger et imaginer des scénarios visant à accompagner les entreprises dans leurs mutations. Les scénarios proposés devront permettre de répondre aux enjeux suivants :

  • Un enjeu d’attractivité et d’image : faire des transitions écologiques un levier de recrutement pour les entreprises
  • Un enjeu financier, compétitif : étudier les conséquences de ne pas avoir une stratégie de sobriété énergétique, maximiser le retour sur investissement de nouvelles compétences à intégrer dans les modèles, identifier les avantages pour une entreprise à investir dans les compétences de demain, etc.
  • Un enjeu de ressources humaines : vérifier la pérennité sur le long terme des métiers stratégiques ou en tension, catégorisation des métiers émergents (critiques ou stratégiques pour les branches), etc.
  • Un enjeu d’accompagnement au changement : prise de conscience des dirigeants pour l’intégration et le développement de compétences vertes dans les entreprises, engager les salariés dans l’évolution de leurs métiers, de leurs compétences, etc.
  • Un enjeu de formation : identifier les actions favorisant les compétences vertes dans les entreprises, utiliser les « softs skills » pour accompagner les transitions en cours.

 

Quels sont les scénarios envisageables pour accompagner la transition écologique et énergétique ?

Dans le cadre de la transition énergétique, la France devra réduire sa consommation d’énergie de 40% d’ici à 2050. Pour ce faire, l’ADEME a publié 4 scénarios menant à la neutralité carbone de la France.

  • Une baisse accélérée des consommations d’énergie, mais dont la rapidité et l’ampleur se distinguent fortement selon les scénarios
  • Une diversification du bouquet énergétique pour remplacer les énergies fossiles, avec des marges de manœuvre contraintes
  • Les contributions majeures de l’électricité et du gaz renouvelable à la décarbonation des systèmes énergétiques

Chacun de ces scénarios souligne qu’il est urgent d’agir rapidement pour atteindre les objectifs de transition énergétique, en s’appuyant sur une électrification massive des usages, un développement fort des Énergies renouvelables et une baisse globale de la demande en d’énergie. L’industrie aura un rôle clé à jouer dans cette transition, tant via l’évolution de ses process (électrification, amélioration de l’efficacité…), de ses services (efficacité énergétique) ou de ses produits (production d’énergie, équipements de production d’énergie, produits efficients, isolants…).

Quelles sont les difficultés auxquelles les entreprises du secteur industriel sont confrontées ?

Près des 2/3 des entreprises industrielles interrogées éprouvent des difficultés dans la mise en œuvre d’actions liées à la transition écologique, plus particulièrement les PME.

L’approvisionnement en matières premières alternatives constitue le premier obstacle à la transition écologique, indiqué par une entreprise sur deux. Le second obstacle majeur concerne les aspects techniques et technologiques (renouvellement des équipements, évolutions des process, électrification des procédés de production…), indiqués par près d’une entreprise sur deux. Le 3e type d’obstacle concerne les aspects économiques, indiqués par près d’une entreprise sur 3, qu’il s’agisse d’accès au financement ou de viabilité financière des nouveaux projets. Enfin les difficultés RH figurent parmi les difficultés rencontrées : il s’agit surtout de difficultés à recruter (indiquées par près d’1/4 des entreprises), l’accès à des formations adaptées ne concernant qu’une entreprise sur dix.

Quels sont les enjeux autour des métiers et des compétences induit par la transition écologique ?

Toutes les études réalisées par les différents secteurs (études de l’Observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte, études internationales, étude Observatoire de métiers de la banque, étude Opcommerce, étude de l’Observatoire des compétences de l’OPCO 2i) tendent à montrer que la transition écologique conduit les entreprises à intégrer des nouvelles compétences ou activités aux métiers actuels, mais elle est peu susceptible de faire émerger de nouveaux métiers. On va parler de verdissement des métiers ou des compétences.

Un exemple : l’apparition de Référent énergie dans les industries, fonction portée par des techniciens de maintenance ou des responsables QHSE. Le programme PROREFEI permet de former des professionnels afin de réduire la dépense énergétique dans leur entreprise. Il s’agit ensuite pour ces professionnels de mettre en place des projets d’efficacité énergétique (système de management de l’énergie, plan de mesurage de la consommation énergétique, sensibilisation des salariés, évolutions des procédés de fabrication, , veille et financements de projets EE). Ce type de programme est également présent dans le secteur du bâtiment et contribution à l’évolution des métiers des artisans, commerciaux (programme FEEBAT formation à la rénovation énergétique ; programme OSCAR qui permet aux acteurs de la filière du bâtiment de faciliter l’accès aux aides à la rénovation énergétique, notamment les CEE et MaPrimeRenov’). Co&Sens accompagne l’ingénierie pédagogique de ces programmes depuis plusieurs années.

Les évolutions des compétences vont varier en fonction des familles professionnelles. Dans la famille Productions industrielles et maintenance, les évolutions de process et l’utilisation raisonnée des installations de productions (adaptation de la conduite des équipements, utilisation de matières premières recyclées, amélioration de l’efficacité énergétique, changement de source d’énergie…) impacteront les métiers des responsables de production, d’équipes, conducteurs de machines / lignes notamment et les techniciens de maintenance.

Les métiers de la R&D seront également particulièrement frappés par les effets de la transition écologique : politique d’achat responsable, filière alternative d’approvisionnement en matières premières, cycle de vie de produits, éco-conception…

Certains métiers déjà existants vont muter ou se renforcer en volume, Ces métiers devront intégrer en effet des missions d’expertise, de conseil et de facilitation du changement depuis l’optimisation des process (moindre consommation d’énergie et de matières premières), l’éco-conception, le positionnement sur de nouveaux produits, la livraison du dernier kilomètre…

Globalement, l’ensemble des métiers devra monter en compétences sur la sensibilisation et la règlementation autour de la transition écologique afin d’en mesurer les impacts dans son activité professionnelle et dans la chaine de valeur du produit (renforcement des connaissances de la règlementation, prévention des risques spécifiques, capacité à accompagner les changements des collaborateurs.)

La transition écologique devrait impacter dans les prochaines l’ensemble des métiers tant sur les compétences que la volumétrie.

Le rapport « Les Métiers en 2030 » de France Stratégie dresse un panorama chiffré des perspectives des métiers à l’horizon 2030 qui intègre à la fois les grandes tendances observées par le passé et les évolutions attendues sur les plans démographiques, économiques, technologiques et environnementaux. Le rapport, coréalisé par France Stratégie et la Dares, vise à anticiper les évolutions et besoins par secteur et les déséquilibres potentiels entre offre et demande d’emploi, afin de guider les politiques publiques. Au regard des bouleversements économiques et sociaux induits par la crise sanitaire, le rapport éclaire leur impact à moyen terme sur la dynamique d’emploi des secteurs d’activité et des métiers. Il tient également compte des enjeux liés à la lutte contre le réchauffement climatique.

Comment travailler la prospective de l’évolution des métiers face aux enjeux de la transition écologique ?

Co&Sens travaille depuis plusieurs années sur la gestion et l’évolution des compétences. Évolutions sociétales, numériques, technologiques, règlementaires ou écologiques, l’approche méthodologique pour identifier la manière dont les compétences peuvent évoluer face à ces facteurs peut être résumée ainsi :

1

Étudier les origine des métiers. D’où vient-il ? Comment a-t-il évolué dans le temps ?

2

Réaliser une étude documentaire conséquente et élargie

3

Observer les métiers sur 3 axes. Les métiers dans le secteur, les métiers stratégiques de l’entreprise, les métiers au niveau des individus dans sa dimension RH.

4

Sélectionner un groupe d’experts du métier concerné : personnes qui occupent le métier et personnes en périphérie (N+1).

5

Réaliser des entretiens ou une enquête en ligne. Entretiens avec chacun des membres du groupe, enquête en ligne, suivant un panel représentatif.

6

Réaliser une synthèse des entretiens pour faire ressortir les tendances d’évolution passées et à venir.

7

Coconstruire cette synthèse avec le groupe d’experts en collectifs pour étayer les entretiens, valider les constats et tracer les scénarios prospectifs d’évolution.

8

Retravailler les synthèses et produire un questionnaire avec des items sur les évolutions, assorti d’une échelle d’accord / désaccord sur les tendances et administrer à des personnes qui n’ont pas participé aux travaux. Réaliser une synthèse du questionnaire.

9

Consolider les scénarios d’évolution en soumettant les résultats du questionnaire au groupe d’experts.

10

Élaborer des plans d’action et préconisations notamment pour prendre en compte les impacts écologiques et numériques avec le groupe d’experts : organisationnel, RH, techniques…

Pour accompagner vos réflexions sur l’évolution des métiers et des compétences au regard des transitions écologiques et énergétiques, téléchargez ici notre méthodologie.

Article rédigé par Christophe, Claude et Maxime.

RESSOURCES

• Rapport « Impact de la transition écologique sur les métiers et les compétences de l’industrie », L’observatoire des compétences de l’OPCO 2i, juin 2022.

•  Rapport Climat – Air – Énergie 2018 de l’ADEME

• Les 4 scénarios pour atteindre la neutralité carbone l’ADEME

• Le rapport « Les Métiers en 2030 » de France Stratégie

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